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Chapitre II - Pédagogie : la rencontre

47 - Un danger : le lavage de cerveau !

J’ai gardé de tous les membres de la nouvelle équipe, - Becky, Mimi, Tom, John et les autres, - un très bon souvenir. Je ne parlerai pourtant que de Tom.
Tom était un Américain de New York, tout à fait ignorant des techniques qui étaient au centre de notre travail. Il commença, ainsi que le prévoyait le programme, comme apprenant. Il assimila sans difficultés tout de notre matière.
Comme il était très chaleureux, il établissait, presque instantanément, une relation personnelle avec les autres apprenants, mais sans s’imposer, sans chercher à attirer sur lui une attention ou une sympathie exclusive. Il était drôle, mais ne jouait jamais le rôle, parfois si lassant, de boute-en-train. Il était très présent, mais discret. Il parlait volontiers, mais sans jamais accaparer la parole.
Il avait le charme, la discrète élégance et la gentillesse d’un garçon de bonne famille de Nouvelle-Angleterre. Une autre de ses qualités, c’était son franc-parler. Sachant qu’on ne pouvait pas lui en vouloir (et comment en vouloir à quelqu’un qui vous montrait tant d’amitié), il disait sincèrement ce qu’il pensait, approuvant ce qu’il trouvait intéressant, mais n’hésitant pas non plus à critiquer ce qui lui paraissait faux ou exagéré.

Il avait un très sympathique sens de l’humour. Lors des moments épuisants de « pressure » dans lesquels les Américains aiment parfois se plonger (et qui ont souvent, il faut le reconnaître, leur utilité), il savait détendre l’atmosphère par des plaisanteries très amusantes.
Je me souviens de l’une d’elles, qui n’eut pourtant pas pour seul effet de nous faire rire. Il appela la séance que nous allions avoir le soir, non pas séance de « brain storming » comme nous l’appelions, mais séance de « brain washing », de lavage de cerveau.
Lapsus authentique ? Bon mot ? Peut-être, mais pas seulement.
Nous nous sommes esclaffés, mais cela me fit beaucoup réfléchir.
N’y avait-il pas, dans mon parti pris pour la pédagogie que nous utilisions, une exagération, une passion qui me poussait à en faire une sorte de sacro-sainte doctrine, une idéologie presque, ce qui avait peut-être pour effet non souhaitable de nous enfermer dans des principes rigides ? Le contraire de ce qu’il fallait.
Je lui suis encore très reconnaissant de m’avoir permis de voir en moi ce danger.
Rien de ce que l’on fait d’excessif ne peut être tout à fait bon. Ne devais-je pas faire davantage confiance à l’instinct et aux idées des tuteurs que je formais et cesser de les aiguillonner jusqu’à ce qu’ils profèrent « volontairement » les idées en lesquelles je croyais ?
Tom contribua beaucoup à me rendre plus tolérant et plus nuancé.

© Nicolas WAPLER- Septembre 2007