socrate
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Chapitre II - Pédagogie : la rencontre

50 - Socrate et la maïeutique (*)

De nombreux dialogues que Platon nous a laissés, mettent en scène, on le sait, Socrate et ses interlocuteurs - des disciples et souvent, aussi, des confrères. Ils discutent. Dans ces dialogues, Socrate est le maître. C’est lui qui interroge, car son rôle n’est pas d’énoncer des vérités mais d’aider les gens à les découvrir. Le personnage, si sympathique et bienveillant, est rendu avec tant de vie dans ces récits plus que bimillénaires qu’il semble presque présent ; l’ami et le professeur dont on rêve.
C’est dans Théétète que l’on trouve, explicitement exposés par Socrate lui-même, ce que l’on est en droit d’appeler ses principes pédagogiques, avec lesquels le tuteur se sent d’emblée en profond accord.

1) Objectif : Aider les élèves à acquérir une conscience claire des connaissances qui se forment dans leur esprit en les questionnant, en dialoguant : «en devenant amis et interlocuteurs les uns des autres. »

2) Principes pédagogiques :

  • Ne pas énoncer soi-même les vérités : pour permettre aux autres de les découvrir.
    Socrate se compare aux sages-femmes qui aidaient aux accouchements mais n’étaient plus en âge d’avoir elles-mêmes des enfants : « Procéder aux accouchements, le dieu m’y force, mais il me retient d’engendrer » - « Et ceci est clair : Ils (ses disciples) n’ont jamais rien appris qui vienne de moi, mais ils ont trouvé eux-mêmes, à partir d’eux-mêmes, une foule de belles choses. » - « De l’accouchement, oui, le dieu est cause, et moi aussi ! »
    Dans cette image, le tuteur actif se reconnaît, lui qui se veut toujours attentif à laisser ses apprenants comprendre en s’exprimant et en échafaudant leurs propres raisonnements.
  • Encourager, faire confiance : « Reprenons, cher Théétète. Essaie de répondre à la question qui nous occupe. Et ne dis jamais que tu n’en es pas capable, car si le dieu y consent, et si tu agis en homme, tu en seras capable. »
  • Guider : en distinguant le vrai du faux, en orientant les disciples dans la bonne direction. Avancer par étapes, en s’élevant dans la connaissance, d’accord en accord, de consensus en consensus.
  • Prendre son temps : Il s’agit d’examiner les choses en détail et « … lentement, puisque nous en avons largement le loisir… » Généreux Socrate ! Jamais pressé. Toujours disponible.

(*) Du gr. Maieutikê = Art de faire accoucher
Les citations textuelles sont entre guillemets et en italique : Platon, Théétète. Trad. Michel Narcy, Flammarion

3) Déceptions et frustrations : Le tuteur les connaît bien.

  • L’incompréhension : Socrate n’explique jamais rien ! C’est toujours lui qui interroge ! Jamais il ne répond rien sur rien ! « Beaucoup me le reprochent », dit-il avec un peu d’amertume.
  • L’ingratitude et l’infidélité : Après quelque découverte faite, comme le veut sa méthode, par ses disciples eux-mêmes, il constate : « …Certains… s’en attribuent le mérite, et ayant conçu vis à vis de moi des sentiments de supériorité… ils s’en vont plus tôt qu’il ne faut », pour voler de leurs propres ailes ou suivre l’enseignement d’autres maîtres.
  • Les critiques  en provenance de disciples difficiles ou orgueilleux : Elles sont très semblables à celles qu’essuie parfois le tuteur de la part de ses propres apprenants difficiles. Rappelons ce que Socrate dit à Théétète : « Si donc examinant une chose que tu aurais dite, j’en viens à la tenir pour imaginaire et non pour vraie … ne sois pas comme les femmes qui ont leur premier enfant, tel une bête sauvage auprès de ses petits… Beaucoup, en effet, admirable garçon, ont adopté vis-à-vis de moi une attitude telle qu’ils sont prêts tout simplement à mordre, dès lors que je fais disparaître quelqu’une de leurs inconsistances ».
    On ne saurait être plus clair sur les difficultés du métier.

4) Émerveillement : Mais Socrate est émerveillé lorsqu’il parle de ses disciples : « Au début, bien sûr, quelques-uns paraissent tout à fait inintelligents, mais tous … quand nos rapports se prolongent… c’est étonnant tout le fruit qu’ils donnent !… ».
Il s’agit bien de l’émerveillement du tuteur lorsqu’il voit tous ses apprenants avancer dans la compréhension et dans la connaissance.

La maïeutique

© Nicolas WAPLER- Septembre 2007